Le mythe de Manon
Par Vimond Régine (Lycée Millet, Cherbourg 50) le mercredi, février 7 2024, 18:41 - Première 2023-2024 - Lien permanent
Le roman adapté en téléfilm :
Quelques épisodes du téléfilm de Jean Delannoy (1978)
La postérité du personnage de Manon
- Extrait de « Namouna »poème d’Alfred de Musset (Premières poésies, 1829-1835)
LVII
Pourquoi Manon Lescaut, dès la première scène, Est-elle si vivante et si vraiment humaine,
Qu’il semble qu’on l’a vue et que c’est un portrait ? Et pourquoi l’Héloïse est-elle une ombre vaine, Qu’on aime sans y croire et que nul ne connaît ?
Ah ! rêveurs, ah, rêveurs, que vous avons-nous fait ?
LVIII
Pourquoi promenez-vous ces spectres de lumière Devant le rideau noir de nos nuits sans sommeil, Puisqu’il faut qu’ici-bas tout songe ait son réveil, Et puisque le désir se sent cloué sur terre,
Comme un aigle blessé qui meurt dans la poussière, L’aile ouverte, et les yeux fixés sur le soleil ?
LIX
Manon ! sphinx étonnant, véritable sirène, Cœur trois fois féminin, Cléopâtre en paniers !
Quoi qu’on dise ou qu’on fasse, et bien qu’à Sainte Hélène On ait trouvé ton livre écrit pour des portiers,
Tu n’en es pas moins vraie, infâme, et Cléomène N’est pas digne, à mon sens, de te baiser les pieds.
LX
Tu m’amuses autant que Tiberge m’ennuie, Comme je crois en toi ! que je t’aime et te hais ! Quelle perversité ! quelle ardeur inouïe
Pour l’or et le plaisir ! Comme toute la vie
Est dans tes moindres mots ! Ah ! folle que tu es. Comme je t’aimerais demain, si tu vivais !
2) Adaptation de la scène du parloir (texte 10) : Manon, opéra de Jules Massenet, Acte III, Scène 7 (1884)
MANON (avec angoisse)
C’est lui! (Manon se détourne, elle est prête à défaillir. Des Grieux s’avance.)
DES GRIEUX
Toi! (presque parlé) Vous!
MANON
Oui… c’est moi!… c’est moi! Oui! c’est moi!
DES GRIEUX
Que viens tu faire ici? Va-t’en! Va-t’en!
Eloigne-toi!
MANON
(douloureux et suppliant)
Oui! Je fus cruelle et coupable! Mais rappelez-vous tant d’amour! Ah! dans ce regard qui m’accable Lirai-je mon pardon, un jour?
DES GRIEUX
Eloigne-toi!
MANON
Oui! Je fus cruelle et coupable! Ah! rappelez-vous tant d’amour! Rappelez-vous tant d’amour!
DES GRIEUX
Non! j’avais écrit sur le sable Ce rêve insensé d’un amour Que le ciel n’avait fait durable Que pour un instant,
(avec amertume) pour un jour!
MANON
Oui! je fus coupable! Oui! je fus cruelle…
DES GRIEUX
J’avais écrit sur le sable… C’était un rêve
Que le ciel n’avait fait durable Que pour un instant pour un jour! Ah! perfide Manon!
MANON (se rapprochant) Si je me repentais…
DES GRIEUX
Ah! perfide! perfide!
MANON
Est-ce que tu n’aurais pas de pitié?
DES GRIEUX (l’interrompant) Je ne veux pas vous croire…
Non! Vous êtes sortie enfin de ma mémoire…
Ainsi que de mon coeur!
MANON (avec des larmes) Hélas! Hélas! l’oiseau qui fuit Ce qu’il croit l’esclavage
Le plus souvent la nuit,
D’un vol désespéré revient battre au vitrage!
Pardonne moi!
DES GRIEUX
Non!
MANON
Je meurs à tes genoux… (avec élan et désespoir)
Ah! rends moi ton amour si tu veux que je vive!
DES GRIEUX
Non! il est mort pour vous!
MANON
L’est il donc à ce point que rien ne le ravive! Ecoute-moi!
Rappelle-toi!
(avec un grand charme et très caressant) N’est-ce plus ma main que cette main presse?
N’est-ce plus ma voix?
N’est-elle pour toi plus une caresse, Tout comme autrefois?
Et ces yeux, jadis pour toi pleins de charmes,
Ne brillent-ils plus à travers (avec un sanglot) mes larmes? (très ému et haletant)
Ne suis-je plus moi? N’ai-je plus mon nom?
Ah! regarde-moi! Regarde-moi!
N’est-ce plus ma main que cette main presse,
Tout comme autrefois? N’est-ce plus ma voix? N’est-ce plus Manon! Rappelle-toi…
N’est-ce plus ma main? Ecoute-moi: N’est-ce plus ma voix?
N’ai-je plus mon nom? N’est-ce plus Manon?
DES GRIEUX
(dans le plus grand trouble)
O Dieu! Soutenez moi dans cet instant suprême…
MANON
Je t’aime!
DES GRIEUX
Ah! Tais-toi!
Ne parle pas d’amour ici.. C’est un blasphème…
MANON
Je t’aime!
DES GRIEUX
Ah! Tais-toi!
Ne parle pas d’amour!
MANON (enfiévrée) Je t’aime!
(Cloche lointaine)
DES GRIEUX (écoutant, avec angoisse) C’est l’heure de prier…
MANON
Non! Je ne te quitte pas!
DES GRIEUX
On m’appelle là-bas…
MANON
Non! Je ne te quitte pas! Viens! (avec fièvre)
N’est-ce plus ma main que cette main presse,
Tout comme autrefois?
DES GRIEUX (éperdu peu à peu) Tout comme autrefois!
MANON
Et ces yeux, jadis, pour toi pleins de charmes,
N’est-ce plus Manon?
DES GRIEUX
Tout comme autrefois… Tout comme autrefois…
MANON
Ah! Regarde-moi!
Ne suis-je plus moi? N’est-ce plus Manon?
DES GRIEUX (avec élan)
Ah! Manon!
Je ne veux plus lutter contre moi même!
MANON (avec un cri de joie) Enfin!
DES GRIEUX
Et dussé-je sur moi faire crouler les cieux…
Ma vie est dans ton coeur, Ma vie est dans tes yeux… (avec exaltation et abandon) Ah! Viens! Manon
Je t’aime!
MANON et DES GRIEUX (avec ardeur) Je t’aime !
- « Manon », chanson de Serge Gainsbourg (1968)
Manon Manon
Non tu ne sais sûrement pas Manon
A quel point je hais Ce que tu es
Sinon Manon
Je t’aurais déjà perdue Manon Perverse Manon
Perfide Manon
Il me faut t’aimer avec un autre Je le sais Manon
Cruelle Manon Manon
Manon
Non tu ne sauras jamais Manon A quel point je hais
Ce que tu es Au fond Manon
Je dois avoir perdu la raison Je t’aime Manon