15 octobre 2021 : Hypatie, une autre victime du fanatisme religieux
Par Vimond Régine (Lycée Millet, Cherbourg 50) le samedi, octobre 16 2021, 18:44 - Hommage à Samuel Paty - Lien permanent
Portrait de Samuel Paty (1973- 16 octobre 2020)
Courte séquence proposée aux hellénistes de terminale avant les vacances de la Toussaint, du 15 au 22 octobre 2021.
I. Hypatie dans les arts
1) Hypatia, Charles William Mitchell (1885)
2) Représentation imaginaire d'Hypatie par Alfred Seifert (1901) :
3) Affiche du film Agora (2009) :
Question : quels aspects du personnage sont mis en valeur dans ces documents ?
II. Des textes contradictoires
Texte 1 : début de l’article Hypatie dans la Souda (IXe siècle après JC)
Ὑπατία ἡ Θέωνος τοῦ γεωμέτρου θυγάτηρ, τοῦ Ἀλεξανδρέως φιλοσόφου, καὶ αὐτὴ φιλόσοφος καὶ πολλοῖς γνώριμος: γυνὴ Ἰσιδώρου τοῦ φιλοσόφου. ἤκμασεν ἐπὶ τῆς βασιλείας Ἀρκαδίου. ἔγραψεν ὑπόμνημα εἰς Διόφαντον, τὸν ἀστρονομικὸν Κανόνα, εἰς τὰ Κωνικὰ Ἀπολλωνίου ὑπόμνημα. αὕτη διεσπάσθη παρὰ τῶν Ἀλεξανδρέων, καὶ τὸ σῶμα αὐτῆς ἐνυβρισθὲν καθ’ ὅλην τὴν πόλιν διεσπάρη. Extrait de la Souda (du grec ancien Σοῦδα / Soũda) ou Suidas (du grec ancien Σουίδας / Souídas) encyclopédie grecque byzantine de la fin du IXe siècle . |
Hypatie, fille de __________ le ______________, ________________, et elle-même ________ et connue de nombreuses personnes. Femme d’Isidore le philosophe. Elle connut son apogée sous le ___________ d’Arkadios. Elle _________________ des commentaires sur le Canon _________________ de Diophante et sur le Traité des cônes d’Apollonios. Elle fut dépecée par les habitants d’Alexandrie, et son _________ fut outragé et dispersé dans toute la ____________.
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Texte 2 de l’historien Jean de Nicée
En ces temps apparut une femme philosophe, une païenne nommée Hypatie, et elle se consacrait à plein temps à la magie aux astrolabes et aux instruments de musique, et elle ensorcela beaucoup de gens par ses dons sataniques. Et le gouverneur de la cité l’honorait excessivement ; en effet, elle l’avait ensorcelé par sa magie. Et il cessa d’aller à l’église comme c’était son habitude…. Une multitude de croyants s’assembla guidée par Pierre le magistrat – lequel était sous tous aspects un parfait croyant en Jésus-Christ – et ils entreprirent de trouver cette femme païenne qui avait ensorcelé le peuple de la cité et le préfet par ses sortilèges. Et quand ils apprirent où elle était, ils la trouvèrent assise et l’ayant arrachée à son siège, ils la trainèrent jusqu’à la grande église appelée Césarion. On était dans les jours de jeûne. Et ils déchirèrent ses vêtements et la firent traîner (derrière un char) dans les rues de la ville jusqu’à ce qu’elle mourût. Et ils la transportèrent à un endroit nommé Cinaron où ils brûlèrent son corps. Et tous les gens autour du patriarche Cyrille l’appelèrent « le nouveau Théophile », car il avait détruit les derniers restes d’idolâtrie dans la cité. »
Jean, Chronique, 84, 87–103.
1. Complétez la traduction du texte 1. |
II. Synesios de Cyrène
Synésios est un ancien élève d’Hypatie, devenu évêque de Ptolemais (colonie grecque située dans l’actuelle Libye). Il est aussi philosophe et épistolier : sa correspondance comprend 156 lettres des années 395 à 413. Parmi elles, sept sont adressées à Hypatie, qu’il désigne par l’expression « à la philosophe » ; mais il est aussi question d’elle dans d’autres lettres. |
Texte 3 : lettre "A la philosophe"
A LA PHILOSOPHE (HYPATIE). (A Alexandrie.)
C’est du lit où me retient la maladie que j’ai dicté pour vous cette lettre ; et puisse-t-elle vous trouver en bonne santé, ô ma mère, ma sœur, ma maîtresse, vous à qui je dois tant de bienfaits et qui méritez de ma part tous les titres d’honneur ! Pour moi les chagrins m’ont amené à leur suite la maladie. La pensée de mes enfants morts m’accable de douleur. Synésios aurait dû prolonger son existence jusqu’au jour seulement où il a connu l’affliction. Comme un torrent longtemps contenu, le malheur est venu tout d’un coup fondre sur moi ; ma félicité s’est évanouie. Plaise à Dieu que je cesse ou de vivre ou de me rappeler la perte de mes enfants ! Pour vous, portez-vous bien, et saluez de ma part vos bienheureux compagnons, le vénérable Théotecne d’abord et mon cher Athanase, puis tous les autres. Si leur nombre s’est accru de quelque nouveau venu qui mérite votre affection, je dois lui savoir gré de la mériter : c’est un ami pour moi ; qu’il reçoive aussi mes salutations. Me portez-vous encore quelque intérêt ? Je vous en suis reconnaissant ; m’avez-vous oublié ? Je ne vous oublierai pas cependant.
Illustration de Louis Figuier représentant l’assassinat d’Hypatie (1866)
Texte 4 : Autre lettre "A la philosophe"
Aucun souvenir ne reste aux morts dans les Enfers.
Mais je m’y souviendrai pourtant de ma chère ___________. Je vis au milieu des malheurs de ma __________ ; ses désastres me remplissent de douleur : chaque ______ je vois les ______ des ennemis ; je vois des _________ égorgés comme de vils troupeaux ; je respire un air corrompu par l’infection des cadavres, et je m’attends moi-même à subir le même sort que tant d’autres ; car comment garder quelque espoir quand le ciel est obscurci par des nuées d’oiseaux de proie qui attendent leur pâture ? N’importe, je ne quitterai pas ces lieux : ne suis-je pas ___________ ? C’est ici que je suis né, c’est ici que je vois les tombeaux de mes nobles ancêtres. C’est pour toi seule que je négligerais ma _____ ; et si jamais je peux la quitter, ce ne sera que pour aller auprès de toi.
Œuvres de Synésios, Traduction de H Druon, 1878
1. Complétez la traduction. 2.À qui Synésios s’adresse-t-il ? Recopiez l’adresse au destinataire en grec, sans oublier de préciser le cas et le genre du nom. 3. De quel auteur grec célèbre pourrait-être issue la première phrase de la lettre ? 4. Quelle est la nationalité de Synésios ? Relevez en grec et en latin l’adjectif qui le précise. 5. Que représente Hypatie pour Synésios ? |
Texte 5 : Socrate le Scolastique
Socrate le Scolastique (env. 380-450), est un grand historien de l’Antiquité chrétienne de langue grecque. Son Histoire ecclésiastique a été publiée probablement vers 440. Contemporain des événements, Socrate est la principale source sur Hypatie, qui sera reprise par tous les auteurs suivants. Il relate en détails la mort cruelle de la philosophe qu’il situe pendant le Carême de l’année 415 : il accuse indirectement l’évêque Cyrille d’être impliqué dans le meurtre d’Hypatie.
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Il y avait dans _________________ une _____________ nommée ____________, fille du _______________ Théon, qui avait fait un si grand progrès dans les sciences qu’elle surpassait tous les ____________ de son temps, et enseignait dans l’école de Platon et de Plotin, un nombre presque infini de personnes, qui accouraient en foule pour l’écouter. La réputation que ses compétences lui avaient acquise, lui donnait la liberté de paraître souvent devant les juges, ce qu’elle faisait toujours, sans perdre la réserve, ni la modestie, qui lui attiraient le respect de tout le monde. Sa vertu, toute élevée qu’elle était, ne se situa pas au-dessus de la jalousie. Mais parce qu’elle avait une ___________ particulière avec Oreste, elle fut accusée calomnieusement d’empêcher qu’il ne se réconciliât avec Cyrille. Quelques hommes conspirèrent, excités par une passion ardente : ils avaient pour chef un lecteur nommé Pierre, et ils attendirent un jour Hypatia dans les rues, et l’ayant tirée de sa chaise à porteurs, la menèrent à _____________ nommée Caesarion, la dépouiIIèrent et la tuèrent à coups de pots cassés. Après cela, ils hachèrent son corps en pièces et les brûlèrent dans un lieu appelé Cinaron. Une exécution aussi inhumaine que celle-là couvrit d’infamie non seulement Cyrille, mais toute l’Église d’Alexandrie, étant certain qu’il n’y a rien si éloigné de l’esprit du christianisme que le meurtre et les _________. Cela arriva au mois de Mars durant le Carême, en la ______________ année du Pontificat de Cyrille, sous le __________ Consulat d’Honorius, et le _____________ de Théodose. (Socrate de Constantinople, Histoire ecclésiastique, livre VII, chapitre XV, traduction Louis Cousin, 1686) |