La dissertation en première

Sujet :

Dans la conclusion de son essai sur la représentation de l’autre (Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, 1980, 2001), l’historien François Hartog écrit : « Dire l’autre, c’est bien évidemment une façon de parler de nous ».

Que pensez-vous de cette affirmation au regard de votre lecture de « Des cannibales » et « Des coches » de Montaigne, de l’Ingénu de Voltaire et des textes étudiés dans le cadre du parcours « Notre monde vient d’en découvrir un autre » ?

I. Vidéo : visionnage et prise de notes

Regardez bien cette vidéo proposant un corrigé très axé sur Montaigne (vous deviez aussi ne pas négliger les textes du parcours et la lecture cursive dans vos références) et prenez des notes.

https://www.lumni.fr/video/la-dissertation-litteraire-extrait-des-essais-de-montaigne

II. Evaluation de la dissertation de l’un de vos camarades

 

Vous choisirez l’une des dissertations qui suivent et vous l’évaluerez en fonction de la grille d’évaluation suivante :

Les critères d’évaluation d’une dissertation

 

Les critères d.docx

Les critères d.pdf

I. Compréhension du sujet et problématique :

- Sujet et enjeux très bien compris, présence d'une problématique pertinente et réellement exploitée. 

- Plan pertinent, proposant un traitement progressif et bien argumenté du sujet.

   / 3 points

II. Connaissance précise de l’œuvre au programme et du parcours associé pour la recherche d’arguments et d’exemples :

- Connaissance très satisfaisante de l’œuvre et références nombreuses et variées, servant très utilement le développement de la réflexion

- Connaissances littéraires et culturelles riches et variées, mobilisées à bon escient

/ 5 points.

III. Respect des régles de rédaction d’une dissertation

/10 points 

 

1) Introduction (  / 3 points)

- Présence d’une accroche du lecteur £

- Présence de la présentation de la problématique (Reprise de la formulation du sujet acceptée) £

- Présence d’une annonce du plan £

2) Développement ( / 5 points)

- Présence de 2 ou 3 parties :

- Présence d’au moins 3 ou 4 sous-parties (ou paragraphes) dans chaque partie

- Présence de transitions, c’est-à-dire d’introductions et de conclusions partielles pour chaque partie

3) Conclusion (   / 2 points):

Présence d’un bilan précis et d’un élargissement pertinent

 

IV. Qualité de la langue 

Un vocabulaire  riche et précis

(Fautes d’orthographe et de syntaxe ont été corrigées)

/ 2 points.

 

 

Premier devoir :

Montaigne écrit dans son essai Des Coches que, pour se former, il faut « frotter et limer notre cervelle contre celle d'autrui ». Montaigne, à travers cette citation, affirme donc que faire la connaissance des autres est important pour avoir la connaissance de soi. Tout comme l'historien François Hartog qui affirme également que parler avec, ou évoquer l'autre, un sujet plutôt indéfini, exprimant l'inconnu, donc les étrangers, permet d'en apprendre plus sur soi-même. Donc, en quoi la rencontre avec des gens du nouveau monde peut néanmoins permettre la rencontre et la connaissance de soi-même ? Nous allons tout d'abord montrer que dire l'autre permet de parler et d'exprimer et de montrer nos différences, permettant ainsi de savoir qui nous sommes. Puis, nous montrerons que cela peut permettre pour certains auteurs de formuler une critique de notre société actuelle. Enfin, nous démontrerons qu'au final, l'autre n'est pas si différent de nous et qu'il peut-être comme un reflet de soi-même.

 

             Dire l'autre, faire la rencontre avec des étrangers, permet en effet de faire ressortir un certain nombre de différences entre nous et ces étrangers.

En effet, plusieurs textes relatant du nouveau monde font l'éloge de cette société indienne. Par ailleurs, Christophe Colomb a dit que « La première richesse des Indes, ce sont les Indiens. ». Cela montre que ce ne sont pas les ressources fournies par ces Indiens qui font la « richesse » mais les Indiens eux-mêmes. De plus, plusieurs philosophes, dans leurs écrits, parlent des Indiens à travers le mythe du bon sauvage, directement lié au mythe de l'âge d'or dans l’Antiquité : Horace, poète romain du Ier siècle avant JC,  l’a dépeint aussi dans les Epodes. Le mythe du bon sauvage permet l'éloge de cette société indienne en montrant que celle-ci vit en parfaite harmonie avec la nature. Nous pouvons citer Diderot, avec le Supplément au voyage de Bougainville, où les Tahitiens vivent en totale autarcie. Ils sont sans lois, ont tout ce qu'ils veulent : en bref c'est le bonheur. En outre, Montaigne dans « Des Cannibales » montre que la indienne est une société fraternelle, égalitaire : tout appartient à tout le monde. Ceux-ci, par exemple dansent ensemble, c'est un peuple uni. Enfin, nous pouvons donner aussi l'exemple de l'évangile Capucin, qui, dans ses écrits, raconte qu’il a sympathisé avec les Indiens, et met en avant leurs qualités de bravoure et leurs nombreuses autres vertus...

Faire l'éloge de cette société étrangère, ou plus généralement la décrire, permet par la suite d'en faire la comparaison avec notre société européenne, pour en voir ainsi les différences, et en apprendre par la même occasion plus sur nous. Par exemple, les mœurs indiennes sont radicalement différentes des mœurs européennes. Dans « Des Cannibales » de Montaigne, les Indiens ont différents us et coutumes propres à leur civilisation. Ils font preuve de cannibalisme, après avoir vaincu leurs ennemis, ou, entres autres, sont également pour la polygamie. Dans leur peuple, tout cela fait partie de leurs institutions sociales, à valeur symbolique, ce qui, en Europe, n'est absolument pas toléré. On distingue donc une grande différence de mœurs entre ces étrangers et nous, les Européens. De plus, Jean de Léry, dans son récit de voyage Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, dans le chapitre treize, accoste un vieillard de la civilisation étrangère ; Européen et Amérindien font connaissance. C'est le fait que ces deux personnages parlent ensemble qui montre, comme les Européens, les Toüpinambaoults peuvent également faire preuve d'une grande intelligence, voire même sont très éloquents. Cette comparaison entre Indiens et Européens peut même laisser croire que ces Indiens sont même plus intelligents et éloquents que ces Européens, dans notre exemple, c'est le cas du vieillard, à force de parler avec Jean de Léry.

Décrire la société Indienne à travers différents genres de récit, permet par la suite de faire une comparaison de leur civilisation avec la nôtre, et d'ainsi montrer les différences qui nous séparent. Montrer une civilisation parfaite face à une civilisation corrompue, ne serait-il pas un moyen pour ces écrivains de dénoncer les travers de notre société européenne ?

 

          En effet, certains philosophes utilisent les étrangers comme un outil pour émettre une critique de notre société.

Tout d'abord, c'est en utilisant le regard insouciant, innocent et objectif d'étrangers que plusieurs philosophes ont dénoncé le système européen, à la fois politique ou même économique. Nous pouvons ainsi citer Montaigne, qui fait une critique politique de notre système européen dans « Des Cannibales », lorsque trois Indiens ont été amenés à Rouen, pour leur montrer notre civilisation. Ceux-ci se posent des questions, comme, entre autres, celle-ci : pourquoi est-ce un homme aussi faible, jeune, qui est à la tête de la France, alors qu'à côté de celui-ci, il y a des gardes eux, très forts ? Cette question, que se posent les Indiens, il ne fait sans aucun doute que Montaigne se la pose par la même occasion. Il use du discours indirect libre, pour rapporter les paroles de ces étrangers, et ainsi émettre une critique de la société dans laquelle il vit. Outre la dénonciation du système politique, Montaigne avait également critiqué sa société d'un point de vue économique ou social, encore à l'aide de discours indirect, et du regard objectif de ces étrangers. Il a réussi à émettre une critique sur toutes les inégalités sociales ; des gens sont très riches tandis que d'autres meurent de faim. Tout ce que pensent ces Indiens, Montaigne le pense aussi. Voltaire, quant à lui, a pu émettre une critique, à l'aide d'un conte philosophique, L'ingénu. C'est avec ce personnage, fictif que Voltaire a ainsi pu dénoncer par exemple, lorsque Hercule de Kerkabon (l'ingénu) était emprisonné avec un janséniste dans la Bastille, la censure. Cette censure a pu être dénoncée de par la comparaison avec une histoire ancienne, c'est à dire une référence à Bélisaire (général romain d'Orient).

Outre la dénonciation de ce système européen, certains auteurs ont également fortement critiqué toutes les pratiques européennes envers les étrangers. Nous pouvons donner l'exemple du chapitre treize de Histoire d'un voyage fait en la Terre du Brésil par Jean de Léry, c'est, de par le discours direct, qui permet de rapporter à la fois les paroles du vieillard, et les paroles de Jean de Léry, que celui-ci va pouvoir émettre une critique de l'exploitation de l'arabotan, bois de Brésil de couleur rouge braise qui a donné le nom à ce pays du Brésil, par les Européens. Car, en effet, ce vieillard se demande pourquoi il leur en faut autant, c'est donc la surexploitation de ces arbres que dénonce ici Jean de Léry. Ensuite, dans « Des Coches », Montaigne critique plutôt tout ce que les conquistadors ont fait subir à ces Amérindiens. En effet Montaigne utilise tout de même le terme de « boucheries » pour désigner ainsi toutes les violences qu'ont fait les conquistadors aux étrangers. De plus, dans La très brève relation de la destruction des Indes, Bartolomé de Las Casas indique que des millions d'Indiens se sont faits tuer par des Chrétiens. Il porte quant à lui également une critique des violences subies par ces étrangers. Enfin, dans « Des Coches », Montaigne dénonce également les catholiques qui veulent convertir ces Indiens. Montaigne montre que convertir par la force comporte une contradiction majeure : c'est une religion d'amour et de paix. Diderot dénonce également cette évangélisation dans le Supplément au voyage de Bougainville, où le Tahitien compare le christianisme à de « inutiles lumières ».

Critiquer, grâce au fait de parler avec l'autre, peut permettre ainsi de dénoncer le système européen. Critiquer différentes pratiques des Européens envers les étrangers a ainsi été possible. Au final, l'autre ne serait-il pas cependant comme un reflet de nous ?

 

En effet, nous ne sommes pas si différents, l'autre pourrait être comme un autre soi-même. Nous pourrions en effet parler de notion d'« alter ego » (qui signifie l'autre moi-même), et qui pourrait qualifier les étrangers en général.

Tout d'abord, nous pouvons donner l'exemple de L'ingénu de Voltaire, qui, au final, se retrouve être, le neveu de l'abbé de Kerkabon. L'ingénu peut donc être ce que l'on appelle un faux Huron, il débarque plutôt en tant que Huron de par son apparence, ou sa langue... Mais au final il se retrouve dans la même famille que les Kerkabon ; il sait même parler anglais... Cela montre que deux peuples, qui paraissent pourtant si différents, par rapport à leurs coutumes, par rapport à une différence flagrante d'apparence, peuvent néanmoins être très proches, ce qui peut montrer cette notion d'alter ego. De plus, dans le Supplément au voyage de Bougainville, de Diderot, lorsque le vieillard s'adresse à Bougainville, avant son départ, nous pouvons entendre que celui- ci insiste sur le fait que les Européens et les Tahitiens restent tout de même des hommes, ils sont pareils, ils sont nés sur la même « planète » : la Terre. Tous ces indices nous permettent au final de voir que les Européens et « l'autre », (étrangers) nous sommes en quelque sorte égaux, nous sommes tous des hommes.

En outre, nous pouvons néanmoins être égaux ou semblables d'un point de vue psychologique ou bien même par rapport à certaines pratiques. Car, en effet, dans « Des Cannibales » de Montaigne, par exemple, on voit que les Européens sont outrés de voir les Amérindiens pratiquer le cannibalisme envers leurs ennemis vaincus. Or, les Européens ne sont pas innocents non plus par rapport à ces pratiques qu'ils dénoncent comme atroces. Les Européens, au final, torturent leurs ennemis également, ceux-ci, entre autres, brûlent vifs leurs ennemis ou bien encore les découpent... Le cannibalisme n'est pas plus atroce que la torture de ses ennemis, d'après Montaigne. De plus, ces deux civilisations ont en commun tout de même un système presque similaire. Dans « Des Coches », de Montaigne, on apprend également qu'il y a un capitaine, certes qui n'est pas élu de la même façon qu'en France, mais qui dirige néanmoins leur peuple. Enfin, les civilisations étrangères sont également capables de grandes prouesses architecturales, comme en Europe. Dans son essai « Des Coches », Montaigne démontre cela avec l'exemple du Pérou, avec la ville de Mexico. Ils sont même  capables de construire une route qui relie Quito-Cuzco. Ces Indiens ne sont pas dépourvus de civilisation, tout comme les Européens, ce qui leur donnent donc comme un point commun.

Avec cette notion d'alter ego, l'autre n'est au final pas si différent que cela : il est comme nous, un homme, doté comme nous d'une morale et d'institutions sociales caractéristiques. Civilisés, ces Indiens restent au final peu différents de nous, Européens.

 

          Donc, parler avec l'autre, des « inconnus », peut permettre ainsi de montrer les différences de pratiques et coutumes, comparé à la civilisation européenne et peut permettre de faire l'éloge de leur civilisation. Montrer toutes ces différences peut néanmoins permettre aux auteurs de critiquer les travers de la société européenne, son système ou même encore les pratiques que celle-ci inflige aux sociétés étrangères (Toüpinambaoults dans « Des Coches »,, les Tahitiens dans Supplément au voyage de Bougainville... ). Ces critiques permettent ainsi de nous montrer qu'au final, étrangers et Européens, ne sont pas si différents, les étrangers peuvent être comme l'alter ego des Européens pour permettre ainsi d'en apprendre énormément sur ne serait-ce que soi- même. Maintenant, des représentations beaucoup plus modernes d'Indiens, réalisées par l’ethnologue Levi Strauss permettent d'avoir une vision plus contemporaine de la la vie de ces Indiens.

 

 

Deuxième devoir

 

   Au XVI siècle il y a eu la découverte du nouveau monde, de nombreux auteurs tels que Montaigne y ont consacré des écrits. Dans les chapitres de ses essais « des cannibales » et « des coches » Montaigne critique la société européenne ;  plus particulièrement, il dénonce les atrocités commises par les Européens en Amérique. Mais à l’époque ce sujet fait polémique et pour éviter la censure,  Montaigne utilise l’implicite notamment à travers le regard d’étrangers venus visiter la ville. Nous allons donc nous demander si la découverte d’un nouveau monde et d’une nouvelle société est un moyen pour critiquer celle déjà existante. Premièrement , nous allons étudier les éléments qui indiquent que l’auteur parle de l’autre pour critiquer le monde dans lequel il vit. Deuxièmement nous allons nous intéresser au fait que parler de l’autre n’a pas pour seul objectif de critiquer ou de dénoncer. Et pour finir nous allons voir  que la description de l’autre peut aussi permettre de se remettre en cause et donc de mieux se connaitre. 

 

      Montaigne semble donner raison à François Hartog car il dit dans ses essais « Je ne dis les autres, sinon que pour d’autant plus me dire ». Cela signifie que Montaigne a bien utilisé un regard étranger pour exprimer sa propre opinion et ses propres critiques. En effet dans « des « cannibales » et « des coches » Montaigne compare beaucoup la société européenne à celle du nouveau monde ;  il compare par exemple les guerres où il met en avant les qualités des guerriers américains par rapport à celles des généraux européens. Il évoque aussi le cannibalisme qui selon lui est moins barbare que la torture et d’autres horreurs commises par les Européens. Sur ce point, on voit clairement une critique assez importante,  étant donné qu’il place les Européens sous les cannibales. On remarque chez Montaigne une grande ouverture d’esprit notamment quand il dit que ce peuple n’a rien de barbare et qu’il dit par la suite que le terme « barbarie » est employé pour décrire quelque chose qui n’est pas  dans ses coutumes. Il s’attarde en revanche sur la cruauté des Européens envers ce peuple. De plus, dans ses essais, Montaigne fait l’éloge de la culture du nouveau monde qu’on peut aussi remarquer chez d’autres auteurs tels que Jean de Léry qui à travers sa discussion avec un sauvage critique les Européens et en même temps fait l’éloge de la société sauvage qui est basée principalement sur la nature. On voit que dans son texte ou il parle avec un sauvage, Léry met en avant l’absurdité des Européens tout comme Montaigne dans son dialogue avec des sauvages venus visiter la ville de Rouen. Il parle par exemple de la royauté qui est à l’époque un sujet très sensible, ce qui nous permet de remarquer que Montaigne utilise bien le regard de l’autre pour critiquer et dénoncer sa propre société.        

       Nous allons maintenant aborder le fait que les auteurs parlent de l’autre pour d’autres raisons que  critiquer et dénoncer leur société. Pour commencer, les auteurs peuvent avoir pour but d’instruire les lecteurs sur des civilisations inconnues. On peut voir que dans ses essais, Montaigne fait une description assez précise du mode de vie des Amérindiens. Il fait aussi une longue description des pratiques cannibales sans omettre les détails qui peuvent choquer les lecteurs, il se contente juste de décrire comme un ethnologue le ferait. La description de l’autre peut aussi amener le lecteur à s’interroger sur d’autres sociétés  que la sienne et donc le faire réfléchir et même remettre en question ses propres mœurs. Le fait de décrire un monde tout à fait nouveau et inconnu peut amener le lecteur à voyager en imaginant toutes sortes de choses. Cela contribue donc à ouvrir l’esprit du lecteur, car si le lecteur est amené à lire la description d’une société parfaite, il va être amené à se poser des questions  et à changer sa façon de penser.

        Pour finir nous allons évoquer le fait que certains auteurs grâce à la description de l’autre se remettent en question et améliorent leur façon de penser. Effectivement, le fait de connaître d’autres modes de vie que le sien est très intéressant, car il permet de s’interroger et de réfléchir à son propre monde, il ne peut y avoir un monde parfait mais avant la découverte du nouveau monde les Européens n’avaient aucun ou peu de moyens de comparer leur société à une autre. C’est pour cela que découvrir une société complètement différente de la nôtre peut avoir un fort impact sur la façon de penser et peut logiquement l’améliorer. On remarque que Montaigne dans ses essais est conscient du défaut dans son mode de pensée, car il dit que la notion de vérité diffère selon le pays où on se trouve. Il est donc impossible de juger des coutumes et un peuple en ne se reposant que sur des vérités et des convictions qui ne sont au fond que fictives.

         Pour conclure, parler de l’autre peut permettre de critiquer une société à travers un regard étranger .Mais ce peut être aussi une façon d’instruire le lecteur, de le faire voyager mais aussi le faire s’interroger sur ses propres convictions. Et cela permet aussi d’améliorer son mode de pensée, sa façon de voir les choses.

 

Troisième devoir

« Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas son usage » écrit Montaigne au début de sa partie « des cannibales », chapitre trente et un du livre un des ses Essais. Cette citation suggère qu’il est difficile de considérer les étrangers ou les inconnus au même niveau que soi-même. Ainsi, quand François Hartog écrit dans son propre essai Le Miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre: « Dire l’autre, c’est bien évidemment une façon de parler de nous », nous pouvons être amenés à nous questionner quant à la place de « l’autre », c’est à dire l’étranger, dans notre représentation de nous-mêmes. En effet, « l’autre » que cite Hartog est l’étranger, avec des pratiques, une culture différentes qui incitent à se remettre en cause, permet de mieux se connaître soi-même, « nous » personnellement, mais aussi « nous » en tant que société tout entière. Aussi, la question suivante est légitime. Lorsque l’on parle des autres, cherche-t-on à en tirer un bénéfice, un enseignement  pour nous-mêmes? Pour répondre à cette question, nous chercherons en premier lieu à montrer que l’évocation des étrangers constitue de fait un retour sur soi, puis nous verrons que faire référence à une culture étrangère peut n’avoir aucune visée didactique ou moralisatrice. Enfin, nous terminerons en démontrant que seul un regard décentré permet une remise en cause totale de soi-même.

 

Tout d’abord, faire référence aux autres, aux étrangers, permet une réflexion personnelle, un retour sur soi.

La confrontation face à l’autre est un apprentissage éclairant. En effet, cette confrontation constitue une épreuve dans le sens où cela nous invite à nous reconsidérer, nous et nos pratiques, d’apprendre des choses inconnues qui peuvent être révoltantes, et donc peuvent nous révolter. Par exemple, dans le chapitre « Des coches » des Essais de Montaigne, le retour d’expérience sur la conquête de l’Amérique effectue une prise de conscience quant à la cupidité et la barbarie des explorateurs européens. C’est le cas dans les passages où Montaigne décrit ce que les Européens ont fait subir aux derniers rois du Pérou et du Mexique. Ces derniers sont torturés de façon extrêmement violente afin qu’ils indiquent aux Européens où est leur or. Ici, la violence et l’avarice, le désir de richesse des Européens sont biens mis en avant. De même, dans l’Ingénu de Voltaire, le Huron qui débarque en France fait l’expérience des pratiques parfois plus que surprenantes des Européens. Par exemple, Voltaire se permet de glisser une non dissimulée critique de la religion. Le Huron ne peut que constater que les pratiques religieuses se sont bien éloignées de la Bible ou des autres textes sacrés. Voltaire nous invite donc à remettre en question nos pratiques, d’autant plus que nous les considérons comme supérieures. De fait, à la fin du chapitre « des cannibales », Montaigne rend compte d’une rencontre avec des cannibales venus à Rouen, et représente des Européens, arrogants, trop sûrs d’eux dans ce qui constitue une critique de l’ethnocentrisme.

Mais la rencontre avec des étrangers permet de constituer un miroir qui va nous permettre de réfléchir sur nous-mêmes, de nous porter un regard différent. En effet, la découverte d’un mode de vie différent permet de se conscientiser de nos propres défauts, en tant que société , mais également en tant qu’individu. Ainsi, dans l’Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil, Jean de Léry, dans un dialogue avec un cannibale de la tribu des Tupinambas, est « ridiculisé » par le sauvage qui s’avère bien plus raisonnable que les Européens dans ce qui constitue une critique du matérialisme et de l’avidité des Européens. En découvrant leurs pratiques de vie, nous pouvons évaluer notre propre éloignement avec la nature. Il en est de même lorsque Montaigne, dans « des coches », vante la proximité avec la nature des ces même Indiens Tupinambas, proximité avec la nature qu’il considère bien supérieure à l’art européen. D’un point de vue plus personnel, on peut affirmer que l’autre, qui est humain autant que nous, a forcément quelque chose à nous apprendre sur nous mêmes, nous révèle quelque chose sur l’homme de manière générale. C’est d’ailleurs l’objectif de Montaigne dans ses Essais tout entiers.

 

Ainsi, la rencontre avec l’autre permet à la fois de prendre conscience de nos pratiques, parfois révoltantes, en tant que société tout entière mais également de s’interroger en tant qu’individu sur notre place, et de découvrir l’homme que l’on est vraiment. Mais ces buts ne peuvent être atteints que pour des récits à dimension critique. Or certains ouvrages n’ont pas de vocation didactique ou moralisante.

En effets, au cours du siècle dernier principalement, des nombreux récits ethnographiques ont été publiés. Mais ces descriptions d’ethnographes (ce qui est moins vrai avec les ethnologues) ne sont que des descriptions objectives des modes de vies des populations étudiées, sans comparaisons critiques avec la nôtre. Par exemple, Paul-Émile Victor, dans son article de presse « Mes amis les esquimaux » décrit ce qu’il voit, les expériences qu’il vit auprès des autochtones, note ses surprises ou explicite des pratiques, mais sans regard critique, mélioratif ou péjoratif. Cependant, il est évident que le lecteur sera amené à se questionner lui-même, mais cela n’est pas le but de ces ouvrages qui visent à faire découvrir une culture plus qu’à la comparer à la nôtre. De même façon, dans Tristes Tropiques de l’ethnologue français Claude Lévi-Strauss, bien que ce dernier se permette une comparaison des civilisations à la fin de l’ouvrage, les chapitres sur les Indiens Bororo ou Nambikwara sont pleins d’objectivité et dénués de sens critique. C’est donc une description objective de leur mode de vie, de leurs pratiques, de leur habitat… mais sans dimension moralisatrice.

En outre, l’utilisation d’une culture étrangère, ou d’un étranger (donc un « autre ») peut n’avoir pour utilité que le dépaysement provoqué par cette culture différente, parfois très éloignée de la nôtre, souvent dans un but esthétique pour l’histoire racontée. Dans ce cas, il s’agit le plus souvent de romans. Ainsi, dans son roman Atala, ou Les Amours de deux sauvages dans le désert, François-Réné de Chateaubriand raconte la vie, comme indiqué dans le titre, de deux sauvages dans le désert (comprendre « désert humain » car la Louisiane n’est pas une région désertique). Une nouvelle fois, il n’y a aucune recherche de morale ou d’apprentissage, mais plutôt une utilisation du fameux « mythe du bon sauvage » afin de mettre en place une histoire d’amour entre deux jeune-gens innocents. Mais cette histoire d’amour est une histoire d’amour, une passion même, assez banale au fond et qui ne se distingue principalement que grâce au fait qu’elle met en avant deux sauvages. L’autre ici n’est donc absolument pas utilisé à dessein de faire réfléchir, mais dans le but d’avoir une esthétique particulière, d’intéresser le lecteur en l’emmenant loin de ce qu’il a l’habitude d’expérimenter.

 

En résumé, le rôle des étrangers, dans la littérature moderne notamment, a évolué. D’éléments de critique indispensable, ils sont peu à peu devenus des sources intéressantes à part entière, et non plus seulement par la comparaison, comme jusqu’à la période des Lumières, mais également des outils pour faire vivre aux lecteurs un dépaysement dans une optique purement « plastique ».

Mais les étrangers, grâce à un regard décentré, sont les seuls à pouvoir amener à réviser son jugement sur ses actes ou les produits de ses pensées.

    En effet, concevoir le point de vue d’un étranger peut s’avérer être une épreuve extrêmement difficile, mais elle est indispensable. Sans connaître le point de vue de l’autre, nous restons dans l’ignorance et il est impossible de tirer un quelconque enseignement de ses expériences. Par exemple, dans son Supplément au Voyage de Bougainville, Diderot met en scène un discours fait par le vieillard tahitien à l’équipage de Bougainville. Cela constitue une critique violente du mode de vie occidental, qui vient par ailleurs détruire le mode de vie tahitien, qui lui était largement supérieur, en amenant des mœurs comme la propriété privée, et sans cette intervention, les Européens et Bougainville auraient peut-être pensé faire une bonne action. Même si ce discours ne les fait pas changer d’avis, il les amène peut-être à réfléchir, et fera dans tous les cas réfléchir le lecteur. Par ailleurs, la réponse des Indiens, imaginée par Montaigne dans ses Essais, au chapitre « Des coches », au requerimiento, procédure hypocrite des Européens, sert aussi ce but. En effet, cela permet de se mettre à la place des Indiens pour mieux imaginer l’aberration que constitue cette pratique et donc mieux en prendre conscience.

Enfin, le décentrement permet de se « découvrir soi-même ». L’entrevue permet, par la confrontation avec l’autre, de mieux reconnaître nos préjugés, nos limites quant au monde, nos connaissances, mais aussi nous-mêmes. Comme le soulignait Montaigne dans ses Essais,nos jugement sont aveugles, notamment quant à la barbarie, car ces peuples barbares n’étaient pas plus barbares que nous. Il rejette les préjugés qui tendent à déshumaniser les sauvages et, en s’intéressant à ces marginaux, il cherche à se « connaître lui-même ». En effet, selon Montaigne, s’intéresser aux autres permet de découvrir qui il est vraiment, en s’interrogeant sur ce qu’est véritablement l’homme, et donc de mieux connaître l’homme qu’il est personnellement, ou l’homme qu’il aimerait être. Son affirmation :« Nous embrassons tout, mais n’étreignons que du vent » montre une nouvelle fois que l’exposition aux autres permet de constater à quelle point nos limites sur la connaissance sont immenses, notamment à propos du genre humain.

 

Pour conclure, il est évident qu’évoquer « l’autre » permet de tirer de nombreux enseignements personnels par une épreuve de retour sur soi dans laquelle la rencontre est une épreuve révélatrice et l’autre un miroir sur nous. Cependant, il existe également de nombreux textes et ouvrages dans lesquels l’autre n’est évoqué que dans une visée esthétique, ou du moins sans visée morale, mais il est vrai que seul le regard étranger permet une remise en cause totale et amène à une connaissance approfondie des autres, mais aussi et surtout de soi-même. C’est pourquoi nous pouvons dire que l’autre est un facteur important de connaissance personnelle, bien que cela ne soit pas toujours son rôle. L’autre est donc souvent capital, mais ne bénéficie pas toujours d’un bon crédit. Comme s’exclame ironiquement Montaigne « Mais quoi ! Il ne portent point de hauts-de-chausses », il serait intéressant de s’interroger quant à la réelle place de l’autre, à son époque, mais également dans notre société mondialisée où les contraintes de distance n’existent plus.

 

III. Enregistrement de votre évaluation (note attribuée et arguments)

Je vous invite à utiliser l’outil suivant :

https://www.vocaroo.com/

- Vous vous enregistrez (prévoir environ 2 minutes pour expliquer la note que vous avez attribuée à un, deux ou trois devoirs)

- Vous m’envoyez ensuite votre enregistrement par messagerie, en utilisant par exemple Wetransfer, sinon le fichier sera trop volumineux. MAIS il existe une solution beaucoup plus simple : après avoir sauvegardé votre enregistrement, vous avez un lien que vous pouvez copier/coller puis m'envoyer.