« Évaluation » - Séquence, description
"Du commun au communicable" : une séquence de mise en situation d'évaluation de l'information
Cet article consitue une description de séquence, un déroulé accompagné de quelques commentaires a minima.
Pour consulter des éléments d’analyse plus détaillés sur la séquence, des suggestions de variantes et une bibliographie, vous pouvez consulter la description enrichie disponible également sur le blog, intitulée : « Évaluation » - Séquence, Analyse
GRP - DidacSIC - Octobre 2025
Description (chronologie en lycée)
- Les élèves vont devoir rapporter un événement librement choisi en prenant appui sur leurs « expériences informationnelles individuelles » habituelles (Raynal, 2024).
- Les élèves sont placés en situation de producteurs d’énoncés.
- Les énoncés devront être communiqués (donc « communicables » et « localisables », c’est-à-dire référencés - même sommairement, pour pouvoir être rappelés et montrés).
- Les énoncés devront prendre la forme d’un paragraphe (plus ou moins) rédigé pour être lus ou dits
- Les contenus de ces énoncés seront soumis à l’approbation d’un public, d’un collectif (classe, groupe).
- Les producteurs d’énoncés seront amenés à questionner la valeur de cette approbation et notamment la responsabilité « éditoriale » qu’elle entraîne.
- L’énoncé retenu devra être complété pour satisfaire aux attentes informationnelles du groupe (attentes à expliciter avec le groupe).
Objectifs élèves
1. Les élèves vont devoir assumer le rôle de producteur d’énoncés. Ces énoncés devront prendre a minima la forme d’un objet « communicable » (à travers un dispositif médiatique imposé – trace, visionnage collectif et votation).
2. Les élèves découvriront et testeront les dynamiques narratives à l’œuvre lorsqu’il s’agit de participer à la circulation d’un objet culturel à une échelle supra-individuelle. En incarnant une position de transmetteurs d’informations secondaires, « d’infomédiaires* », les élèves expérimentent des modalités narratives particulières.
« L’infomédiation désigne ainsi le plus souvent la fonction consistant à relier des besoins ciblés et des ressources pertinentes au sein de volumes de données considérables et hétérogènes. Mais l’infomédiation ne se réduit pas à cette activité de recherche de données, relativement classique dans le domaine de l’informatique documentaire, fût-elle désormais élargie à l’internet. Elle y apporte un service supplémentaire de mise à disposition de contenus et de liens, issus d’une sélection se présentant sous une forme éditorialisée. » (Rebillard, Smyrnaios, 2010)
Quelques points notionnels SIC
Nous estimons nécessaire de prendre en compte trois aspects dès lors qu’on amène les élèves à envisager :
- les compétences et capacités réclamées par la performance : « devenir une source d’information » ;
- les compétences et capacités réclamées par le travail intellectuel qui consiste à « devenir un public ».
Architexte : guide de lecture et système de contraintes
« La notion d’architexte […] est utile pour qualifier la double fonction de ces outils : produire le texte et le rendre visible […]. L’architexte est une manière de parler de l’univers logiciel (moteur de recherche, logiciel de messagerie, logiciel graphique, logiciel de chat, logiciel de publication de blog, etc.) nécessaire à la production du texte, en mettant l’accent sur le fait que ces logiciels permettent d’écrire mais également de présenter à la vue une disposition des formes textuelles qui se reproduit en se transformant. » (Bonaccorsi, 2013)
Énonciation éditoriale
[Porter attention à l’énonciation éditoriale consiste à] « aborder les objets et les pratiques qui leur sont liées à partir d'un point de vue particulier, celui de l'invention des formes écrites, de l'imposition de ces formes, de la façon dont elles se disséminent et, ce faisant, de la façon dont elles encadrent la circulation des textes eux-mêmes. Faute de quoi le thème éditorial n'est qu'une coquille rhétorique vide. Cette posture impose une distance de regard et de méthode car il ne s'agit ni de l'objet technique à proprement parler ni de la forme sémiotique ni de la pratique en tant que telle, mais bien de « l'interdétermination » de ces diverses composantes et des enjeux de pouvoirs qu'elles reconfigurent dans la pratique sociale. » (Souchier, Jeanneret, Yves, 2005)
Pratique normative, normes rédactionnelles
« Une pratique normative consiste en un ensemble organisé d’actions et de discours socialement formés et qualifiés épistémiquement, au travers desquels les agents participent à la construction, la révision, la défense, l’articulation d’un ordre normatif donné. » (Frega, 2015)
Les trois aspect qui précèdent nous paraissent également nécessaires en ce que leur association et leur articulation enrichissent, donnent de l’épaisseur, aux interprétations grâce aux vertus de ce questionnement approfondi.
La source, envisagée sous ces trois aspects, peut donc être pensée comme un mode d’emploi qui donne des clés pour accéder à un « comment lire », voire un « comment utiliser » et pas seulement un « pourquoi lire » (crédibilité, fiabilité) à quoi on la réduit parfois.
Déroulé et commentaires (version lycée)
1 - SITUATION (destinée à favoriser une forme d’incertitude et d’indétermination)
Consigne générale
1. « Vous devez trouver de 1 à 3 « événements » (à ce stade pas d'autre précision quant à la caractérisation du terme)... »
2. « qu’il vous faudra présenter au groupe... »
3. « pour s’assurer de son intérêt éventuel... »
4. « et enclencher un traitement plus approfondi de l’événement ».
Consigne enrichie
1. Trouver un « événement » repéré à l’aide du média de son choix
2. Cet événement devra correspondre à la définition issue de la première caractérisation collective du terme « événement »
3. Cet événement devra intéresser l’élève à titre personnel
4. Cet événement devra intéresser un grand nombre d’élèves
5. « et enclencher un traitement plus approfondi de l’événement ».
2 - Institution (du problème)
Mise en action 1
« Événement » – première caractérisation
Le terme « événement » n’est pas compris de la même façon selon les élèves. Des demandes de précisions émergent. Il devient nécessaire de le caractériser collectivement (c’est-à-dire, en l’occurrence, de trouver une définition opératoire, tournée vers l’action). En d’autre termes, en référence à une terminologie de l’argumentation, lui donner un « domaine de validité » (Pallarès, 2019).
Dispositifs possibles (selon les niveaux) : confrontation (Remue-méninges), lecture de définition (ex. TLFI), déduction à partir d’exemples et de contre-exemples.
Commentaires
Au cours de cette recherche d’une caractérisation du terme « événement », il semble qu’il faille se souvenir que, pour Robert Escarpit, un des fondateurs de l’info-documentation, l’événement est à opposer très directement au document.
« Tout événement est un événement humain. Au cours de ces derniers millénaires, l'homme a élaboré pour échapper à cette contrainte un anti-événement qui est le document. »
Robert Escarpit, Théorie générale de l'information et de la communication, Hachette, 1976, 218 p.
3 - Activité (de recherche de solution)
Mise en action 2 – recherche et sélection
Deux attitudes possibles face à la consigne
1- Démarche réflexive préalable : je veux parler de quoi ?
Ou
2- Bain informationnel à l’aide de médias plus ou moins « reconnus » comme tels (légitimés)
Puis la séquence d'action
3- Collecte d’informations
4- Création d’un document composite à valeur de trace ou d’archive (retrouver)
Commentaires
Les élèves vont explorer un « espace de communication » (Odin) sans autre objectif que de prélever un événement tel que caractérisé lors de la phase précédente.
Pour les guider, il est possible de leur montrer un schéma du paysage médiatique présenté, à ce stade, comme un espace potentiel.
Les représentations ou modélisations du domaine médiatique sont diverses mais il est possible de s’inspirer de la cartographie ci-dessous (Saulnier, 2021) :
4 - Prise de parole (publique)
Mise en action 2 – Exposer ses propositions
Consigne 2
"Vous devez proposer l'événement au groupe qui devra se prononcer sur son intérêt."
Les élèves proposants (« porte-parole, infomédiaire ») vont devoir présenter à leur façon, dans un premier temps, l'événement dont l’intérêt est ainsi soumis à une approbation par le groupe.
Point de vigilance dans le cadrage de la consigne : préciser explicitement qu’il ne saurait être question de juger une personne mais bien un fait ou un ensemble de faits mis en récit, racontés (ou « relatés »). On peut prendre appui sur la notion de « ventriloquie » pour expliquer aux élèves que ce n’est pas la personne qui parle ici mais une figure imaginaire que l’on construit pour « faire parler les choses » (Coren, 2009). Figure imaginaire qui s’incarne parfaitement dans la pratique du métier de journaliste.
Commentaires
La médiation qui consiste à préciser explicitement « qu’il ne saurait être question de juger une personne mais bien un fait ou un ensemble de faits mis en récit, racontés (ou « relatés ») » a pour vocation d’installer un cadre ou un espace de communication particulier. Dans ce cadre, qui doit être accepté par tous, les auteurs-producteurs ne sont plus des sujets « réels » mais des « narrateurs », c’est-à-dire qu’ils assument des rôles sociaux (ex. porte-parolat).
5 - Cadre opérationnel (des faits)
Mise en action 3 – Votation
Système de votation anonyme par pouces levés ou baissés, en deux temps :
- est-ce que ça m'intéresse à titre personnel ?
- est-ce que c’est partageable ? ou est-ce que ça mérite d'être vu, lu, su (validation sociale) ?
Mise en action 4 – Débat d’opportunité
Pour conclure le mouvement, le groupe va devoir se prononcer sur l'opportunité de :
Partager cette information ?
Selon quelle pratique de diffusion ?
Sur quels canaux ?
Commentaires
Selon les niveaux de classe, on peut insister sur la forme des « commentaires » produits à l’occasion de cette phase de débat.
Rappel : les commentaires sont une forme de perception du document et de ses conditions de validité se manifestant à travers des jugements synthétiques exprimés.
6 - Situation de complément
Mise en action 5 – traitement de second niveau
Après un court questionnement, les élèves/publics vont devoir préciser les points qu’ils souhaitent voir développer.
Ce débat permet de favoriser le passage du commun au communicable. Il est question de déterminer avec les élèves ce que recouvre le besoin informationnel exprimé
sous la forme : « en savoir plus » et « en communiquer plus ».
Commentaires
Au cours de ce débat d’étape, il faudra nécessairement passer par un questionnement destiné à dévoiler un public « imaginé », une cible.
Là encore, pour se reposer sur une méthodologie structurante, on pourra partir de normes issues du journalisme traditionnel « grand public » : Quoi ? Qui ? Quand ? Où ? Comment ? (Pourquoi ?).
Cette référence à un mode de questionnement traditionnel et rhétorique (Quintilien) peut servir d’exemple pour aborder la notion de contraintes de rédaction (ou normes).
Ce qui est en jeu, ici, c’est le passage du jugement individuel à des modes de justification orientés vers la constitution d’un collectif. La recherche d’un commun partageable devient en effet indispensable pour espérer assurer la continuité de l’engagement et prolonger l’action. Ce qu’on observe alors c’est un public en train de se constituer, et de s’auto-organiser.
Quelques limites
Pour que l’énoncé-argument produit repose sur une problématisation plus élaborée et encore plus riche, il serait intéressant d’accompagner cette ultime phase d’un questionnement plus structuré. Nous suggérons donc quelques questions structurantes :
- Quels éléments du traitement médiatique (images, ton, vocabulaire, place dans le média, etc.) ont favorisé la perception, la mémorisation ?
- Quels mécanismes de mises en récit médiatique (dramatisation, spectacularisation) sont présents et quels rôles ont-ils joué dans la sélection ?
- Quels sujets ont été rejetés, et pourquoi (raisons d’une disqualification) ?
Cadres envisageables
En collège
Club médias ou pratique médiatique encadrée ponctuelle
4e : séquence sur les pratiques informationnelles sur les réseaux sociaux
3e : EMI/EMC : engager une réflexion sur les critères de qualification des sources externes (médiatiques), acceptabilité, pertinence argumentative et utilisabilité au sein d’un argumentaire examinant une question généraliste dans un cadre démocratique
3e : Science, construction du discours scientifique (vulgarisation et domaine de validité)
En lycée
AP, 2de : construire un écosystème informationnel niveau lycée, partager des informations
Club médias ou pratique médiatique encadrée
SNT : réseaux sociaux
EMI/EMC, 2de : engager une réflexion sur les critères de qualification des sources externes (médiatiques), acceptabilité, pertinence argumentative et utilisabilité au sein d’un argumentaire examinant une question généraliste dans un cadre démocratique.
Grand oral : : engager une réflexion sur les critères de qualification des sources externes (médiatiques), acceptabilité, pertinence argumentative et utilisabilité au sein d’un argumentaire examinant une question socio-scientifique.
Lycée : Science, construction du discours scientifique (vulgarisation et domaine de validité)
Conclusion
Les figures de l’énonciateur et de son public (imaginé) étudiées de manière conjointe permettent d’envisager les deux aspects de la prise en compte des sources, à la fois selon leur dimension cognitive (interprétation) et leur dimension stratégique (potentialités d’action au sein d’une argumentation ou d’une prise de décision).
La source est examinée selon l’hypothèse qu’elle porte en elle des indices qui guident l’interprétation. Elle peut être pensée, dans ce cas, comme une aide à la lecture. Elle est porteuse d’indices censés faciliter ou orienter les interprétations.
Il nous reste à espérer que cette situation, sur laquelle nous reviendrons plus longuement dans une publication à venir, aura su apporter à ses lecteurs des pistes d’action et de réflexion pour exploiter ces analyses pour renouveler la posture didactique des professeurs documentalistes, actualiser nos situations pédagogiques et adapter nos médiations (cf. GRP 2025, Évaluation, Introduction du dossier).
Menu et plan du dossier « Évaluation » (2025)
1- « Évaluation » - Introduction au dossier
2- « Évaluation » - Séquence, description
3- « Évaluation » - Séquence, Analyse
4- « Évaluation » - Photographies réflexives, pratiques
5- « Évaluation » - Photographies réflexives, entretien
Publié le par grp-didacsic
