Notre monde vient d'en découvrir un autre (1ère)
Par Vimond Régine (Lycée Millet, Cherbourg 50) le samedi, mars 28 2020, 19:09 - Français 2019-2020 : 2nde et 1ère - Lien permanent
Objet d'étude : La littérature d’idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle
Titre de la séquence : Notre monde vient d'en découvrir un autre
Problématique : Dans quelle mesure la confrontation avec l’autre nous éclaire-t-elle sur nous-mêmes ?
Textes :
1- Jean de Léry, Voyage fait en la terre de Brésil ("Du reste, nos Touioupinabaoults, fort ébahis...")
2- Michel de Montaigne, Essais, « Des Cannibales », I, 31 ("Trois d'entre eux, ignorant combien...")
3- Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville : le discours du vieillard
4- Michel de Montaigne, Essais, « Des Coches », III, 6 ("Notre monde vient d'en découvrir un autre")
Observation et comparaison de ces représentations de sauvages, après définition du mot :
La représentation du sauvage
La représentation du sauvage (2).pdf
André Thevet, Équarrissage de la victime, Scène d'anthropophagie rituelle des Tupinamba (1557)
Gravure de l’Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, 1580, reproduite de l'édition de 1611
La découverte des Amériques, gravure de Théodore de Bry
Théodore de Bry, Scène de cannibalisme
D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ? de Paul Gauguin, peint en 1897
Pour en savoir plus : https://www.youtube.com/watch?v=QZ9TKw6hzac
Le Rêve du Douanier Henri Rousseau (1910)
Si vous voulez en savoir plus sur ce peintre :
Le mythe du bon sauvage de Montaigne à Chateaubriand :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1320137t/f1
Texte 1 : Jean de Léry, Histoire d'un voyage fait en la terre de Brésil (1578)
Première édition du récit (1578)
Au reste, nos Toüoupinambaoults sont fort ébahis de voir les Français et autres des pays lointains prendre tant de peine pour aller quérir leur Arabotan, c’est-à-dire, bois de Brésil.
Il y eut une fois un vieillard des leurs qui me fit cette demande :
« Que veut dire que vous autres Mairs et Peros, c’est-à-dire Français et Portugais, vous veniez de si loin chercher du bois pour vous chauffer ? N’y en a-t-il point dans votre pays ? »
Je lui répondis que si, et en grande quantité, mais non pas de la même espèce que les leurs, ni même du bois de Brésil, que nous ne le brûlions pas comme il pensait, mais les nôtres l’emmenaient pour faire de la teinture (comme eux-mêmes en usent pour rougir leurs cordons de coton, plumages et autres choses). Il me répliqua soudain :
« Oui, mais vous en faut-il tant ?
- Oui, lui dis-je, car (en lui faisant trouver bon) il y a tel marchand en notre pays qui a plus de frises et de draps rouges, voire même (m’arrangeant toujours pour lui parler des choses qui lui étaient connues) plus de couteaux, ciseaux, miroirs et autres marchandises que vous n’en avez jamais vues par deçà, et un seul de ces marchands achètera tout le bois de Brésil dont plusieurs navires reviennent chargés.
- Ha, ha, dit mon sauvage, tu me contes des merveilles. »
Puis ayant bien retenu ce que je lui venais de dire, il m’interrogea à nouveau :
« Mais cet homme si riche dont tu me parles, ne meurt-il point ?
- Si fait, si fait, lui dis-je, aussi bien que les autres. »
Sur quoi, comme ils sont aussi grands discoureurs, et poursuivent fort bien un propos jusqu’au bout, il me demanda derechef :
« Et quand il est mort, à qui donc est tout le bien qu’il laisse ?
- A ses enfants, s’il en a, et à défaut de ceux-ci à ses frères, sœurs, ou plus proches parents.
- Vraiment, dit alors mon vieillard (lequel comme vous le jugerez n’était nullement lourdaud) à cette heure je comprends que vous autres Mairs, c’est-à-dire Français, vous êtes de grands fous : car vous faut-il tant peiner à passer la mer, sur laquelle (comme vous le dites en arrivant ici) vous endurez tant de maux, pour entasser des richesses pour vos enfants ceux qui vous survivent ! La terre qui vous a nourris n’est-elle pas aussi suffisante pour les nourrir ? Nous avons, ajouta-t-il, des parents et des enfants que nous aimons et chérissons comme tu le vois ; mais nous nous assurons qu'après notre mort, la terre qui nous a nourris, les nourrira, nous ne nous en soucions donc pas davantage et nous nous reposons sur cela ».
Voila sommairement et dans sa vérité le discours que j'ai entendu de la propre bouche d'un pauvre sauvage américain.
Jean de Lery, Histoire d'un voyage fait en la terre de Brésil, chapitre 13 (1578)
Question :
Comment le récit de voyage se transforme-t-il en plaidoyer pour les sauvages du Brésil et en critique de la société européenne ?
Texte 2 : Montaigne, Essais , I, 31 « Des cannibales », (1580)
Pour en savoir plus sur l'auteur et son oeuvre : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1320139n.r=%22Montaigne%22?rk=64378;0
Montaigne s'intéresse avec curiosité à la découverte de l'Amérique. Il se passionne pour les récits des colons ou des missionnaires et les témoignages directs : inaugurant un discours d'anthropologue, il décrit la vie des sauvages en s'efforçant de dépasser les préjugés. Non seulement leur civilisation soutient la comparaison avec la nôtre, mais elle remet en question la notion même de civilisation : les plus barbares ne sont pas ceux que l'on croit ! Montaigne raconte à la fin du chapitre, sa rencontre avec trois Brésiliens présentés à Rouen au roi Charles IX, en 1562.
Trois d'entre eux, ignorant combien coûtera un jour à leur repos et à leur bonheur la connaissance des corruptions de deçà1, et que de ce commerce naîtra leur ruine, comme je présuppose qu'elle soit déjà avancée, bien misérables de s'être laissé piper2 au désir de la nouvelleté, et avoir quitté la douceur de leur ciel pour venir voir le nôtre, furent à Rouen, du temps que leur feu roi Charles neuvième y était3. Le Roi parla à eux longtemps ; on leur fit voir notre façon, notre pompe4, la forme d'une belle ville. Après cela, quelqu'un en demanda à leur avis, et voulut savoir d'eux ce qu'ils y avaient trouvé de plus admirable5 ; ils répondirent trois choses, d'où j'ai perdu la troisième, et en suis bien marri ; mais j'en ai encore deux en mémoire. Ils dirent qu'ils trouvaient en premier lieu fort étrange que tant de grands hommes, portant barbe, forts et armés, qui étaient autour du Roi (il est vraisemblable qu'ils parlaient des Suisses de sa garde), se soumissent à obéir à un enfant6, et qu'on ne choisissait plutôt quelqu'un d'entre eux pour commander ; secondement (ils ont une façon de leur langage telle, qu'ils nomment les hommes moitié les uns des autres7) qu'ils avaient aperçu qu'il y avait parmi nous des hommes pleins et gorgés de toutes sortes de commodités, et que leurs moitiés étaient mendiants à leurs portes, décharnés de faim et de pauvreté ; et trouvaient étrange comme ces moitiés ici nécessiteuses pouvaient souffrir une telle injustice, qu'ils ne prissent8 les autres à la gorge, ou missent le feu à leurs maisons.
Je parlai à l'un deux fort longtemps ; mais j'avais un truchement9 qui me suivait si mal et qui était si empêché à recevoir mes imaginations par sa bêtise, que je n'en pus tirer guère de plaisir. Sur ce que je lui demandai quel fruit il recevait de la supériorité qu'il avait parmi les siens (car c'était un capitaine, et nos matelots le nommaient Roi), il me dit que c'était marcher le premier à la guerre ; de combien d'hommes il était suivi, il me montra un espace de lieu, pour signifier que c'était autant qu'il en pourrait en un tel espace, ce pouvait être quatre ou cinq mille hommes ; si, hors la guerre, toute son autorité était expirée, il dit qu'il lui en restait cela que, quand il visitait les villages qui dépendaient de lui, on lui dressait des sentiers au travers des haies de leurs bois, par où il pût passer bien à l'aise.
Tout cela ne va pas trop mal : mais quoi, ils ne portent point de hauts-de-chausses !
Montaigne, Essais, I, 31, 1580-1592. orth. modernisée, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade.
1. De notre côté de l'océan par rapport au Nouveau Monde, donc : de notre monde.
2. Piper : tromper.
3. En 1562.
4. Notre pompe : notre cérémonial, nos rituels.
5. Admirable : remarquable et étonnant.
6. Charles IX accède au trône à douze ans.
7. Ils considèrent tout homme comme la moitié d'un autre, témoignage de leur solidarité.
8. Qu'ils ne prissent : sans qu'ils prissent.
9. Truchement : interprète.
1. Quel paradoxe la première phrase expose-t-elle ? Comment celui-ci se développe-t-il dans l’anecdote qui suit ?
2. Expliquez l’ironie de la dernière phrase.
3. Etudiez le discours indirect. En quoi sert-il la critique de la société européenne ? Sur quels points cette critique porte-t-elle ?
Texte 3 : Denis Diderot,Supplément au voyage de Bougainville, (1772)
Pour réactiver quelques connaissances sur le siècle des Lumières : https://www.youtube.com/watch?v=gnG2sqDLq6g
Il était père d'une famille nombreuse. À l'arrivée des Européens, il laissa tomber des regards de dédain sur eux, sans marquer ni étonnement, ni frayeur, ni curiosité. Ils l'abordèrent ; il leur tourna le dos et se retira dans sa cabane. Son silence et son souci ne décelaient que trop sa pensée : il gémissait en lui-même sur les beaux jours de son pays éclipsés. Au départ de Bougainville, lorsque les habitants accouraient en foule sur le rivage, s'attachaient à ses vêtements, serraient ses camarades entre leurs bras, et pleuraient, ce vieillard s'avança d'un air sévère, et dit :
" Pleurez, malheureux Tahitiens ! pleurez ; mais que ce soit de l'arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants : un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois que vous voulez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l'autre, vous enchaîner, vous égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices ; un jour vous servirez sous eux aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu'eux Mais je me console ; je touche à la fin de ma carrière ; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point. Ô Tahitiens ! Ô mes amis ! vous auriez un moyen d'échapper à un funeste avenir ; mais j'aimerais mieux mourir que de vous en donner le conseil. Qu'ils s'éloignent, et qu'ils vivent. "
Puis s'adressant à Bougainville, il ajouta : " Et toi, chef des brigands qui t'obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère. Ici tout est à tous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage. Tu n'es ni un dieu, ni un démon: qui es-tu donc, pour faire des esclaves ? 0rou ! toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l'as dit à moi-même, ce qu'ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu'il gravât sur une de vos pierres ou sur l'écorce d'un de vos arbres : Ce pays est aux habitants de Tahiti, qu'en penserais-tu ? Tu es le plus fort ! Et qu'est-ce que cela fait ? Lorsqu'on t'a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t'es récrié, tu t'es vengé ; et dans le même instant tu as projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée ! Tu n'es pas esclave : tu souffrirais plutôt la mort que de l'être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux t'emparer comme de la brute, le Tahitien est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi ? Tu es venu ; nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? T'avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? T'avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières.
Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville, deuxième partie (1772)
Pour écouter un commentaire du dernier paragraphe par une élève de première : https://www.youtube.com/watch?v=Kxq-TO2DgeY
Le registre polémique : ce qu’il faut retenir
Un texte est polémique (du grec « polemos » : guerre, combat) quand il fait état d’un désaccord, d’un conflit entre deux positions adverses sur un même sujet. C’est une forme agressive d’argumentation, qui consiste à attaquer ou dévaloriser l’adversaire.
I. Thèmes
Une innovation technique (la télévision, l’informatique…), un comportement social, un mode de vie, les institutions, les lois, le régime politique, un produit culturel (livre, film, exposition…)
II. Procédés et caractéristiques
Ce registre se caractérise par tous les procédés visant à attaquer ou à discréditer un adversaire : termes péjoratifs (voire insultes), images dévalorisantes, ironie, arguments. Il se rapproche donc du registre satirique, mais à la différence de celui-ci, il n’emploie pas seulement l’arme de la moquerie. L’attaque peut être sérieuse.
- Pour attaquer la cause adverse
- Les prises à partie ou interpellations de l’adversaire : emploi des pronoms de 2ème personne, phrases interrogatives, questions rhétoriques.
- La dévalorisation de l’adversaire : accusations et lexique péjoratif, les images dévalorisantes.
- La provocation : ironie qui tourne l’adversaire en dérision, la caricature.
- Pour défendre sa propre cause
- Présence forte du « je » pour montrer l’implication de l’énonciateur.
- Vocabulaire mélioratif (admirable, bienfaiteur, génie) ou affectif (larmes, tendresse…)
- La louange (emploi de superlatifs) et l’hyperbole.
Autres procédés :
- L’invocation de valeurs morales (honnêteté, courage), sociales (égalité, justice), esthétiques (beau, vrai)
- Les procédés de l’indignation : exclamations, anaphores, questions rhétoriques
- Rythmes binaires ou ternaires
- Les procédés de la provocation : paradoxe, antithèse, exagération, jeu de mots.
- Les formules choc qui visent à faire réagir et réfléchir (formulent qui peuvent contenir des jeux de mots ou des figures de style telles que l’hyperbole, l’antithèse, le parallélisme, etc.)
Le registre polémique : fiche à compléter à partir du texte de Diderot
Plusieurs procédés employés ici sont caractéristiques du registre polémique : il s’agit de livrer un combat (polémos : la guerre) avec les mots en dénonçant voire en ridiculisant l’adversaire. C’est donc une argumentation qui s’exprime sur un ton qui peut être agressif.
I. Attaque et provocation : les prises à partie de l’adversaire
- Les apostrophes directes à l’interlocuteur et les marques de 2ème personne
- Les questions au destinataire
- L’implication du locuteur dans ce dialogue fictif
II. Défense et indignation : emportement et éloquence du locuteur
- Les exclamations
- Les figures de style : L’anaphore
- le choix d’exemples concrets et provocateurs
- le goût des formules courtes, y compris des phrases non verbales :
Texte 4 : « Des Coches », Essais, Montaigne, 1580
Notre monde vient d'en trouver un autre (et qui nous garantit que c'est le dernier de ses frères, puisque les Démons1, les Sibylles2 et nous, avons ignoré celui-ci jusqu'à cette heure ?) non moins grand, plein et membru que lui ; toutefois si nouveau3 et si enfant, qu'on lui apprend encore son a, b, c : il n'y a pas cinquante ans qu'il ne savait ni lettre, ni poids, ni mesure, ni vêtements, ni céréales, ni vignes. Il était encore tout nu, au giron et ne vivait que par les moyens de sa mère nourrice4. Si nous concluons bien de notre fin, et ce poète de la jeunesse de son siècle, cet autre monde5 ne fera qu'entrer dans la lumière quand le nôtre en sortira. L'univers tombera en paralysie ; l'un des deux membres sera perclus, l'autre en vigueur.
Bien crains-je que nous aurons bien fort hâté sa déclinaison et sa ruine par notre contagion et que nous lui aurons bien cher vendu nos opinions et nos arts. C'était un monde enfant ; si ne l’avons-nous pas fouetté et soumis à notre discipline par l'avantage de notre valeur et de nos forces naturelles, ni ne l’avons pratiqué par notre justice et bonté, ni subjugué par notre magnanimité. La plupart de leurs réponses et des négociations faites avec eux témoignent qu'ils ne nous devaient rien en clarté d'esprit naturelle et pertinence. L’épouvantable magnificence des villes de Cuzco6 et de Mexico, et, entre plusieurs choses pareilles, le jardin de ce Roi, où tous les arbres, les fruits et toutes les herbes, selon l'ordre et grandeur qu'ils ont en un jardin, étaient excellemment formées en or, comme, en son cabinet7, tous les animaux qui naissaient en son État et en ses mers ; et la beauté de leurs ouvrages en pierreries, en plume, en coton, en la peinture, montrent qu'ils ne nous cédaient non plus en l’industrie. Mais, quant à la dévotion, l'observance des lois, bonté, libéralité8, loyauté, franchise, il nous a bien servi de n'en avoir pas autant qu'eux ; ils se sont perdus par cet avantage, et vendus et trahis eux-mêmes.
1. Au sens antique de divinité 2. Prêtresse d’Apollon capables de prédire l’avenir. 3. Nouveau signifie peut-être jeune, comme le latin novus. 4. La Nature. 5. Il s’agit des peuples indiens d’Amérique du Sud victimes des conquérants européens. 6. Cusco, alors capitale des Incas au Pérou. 7. Cabinet : bureau. 8. Libéralité : générosité.
Vers l’explication linéaire
1. Quels sentiments la découverte du Nouveau Monde semble-t-elle susciter chez Montaigne, dans les premières phrases du texte ?
2. Quelle métaphore permet de présenter le Nouveau Monde ? Précisez les éléments qui la composent. Quel sens donner à cette métaphore ? En quoi s’oppose-t-elle à l’ancien monde ?
3. Comment Montaigne fait-il l’éloge du Nouveau Monde ?
5. A contrario, quelles critiques formule-t-il à l’égard des Européens ?
5. Comment comprenez-vous la phrase : « il nous a bien servi de n’en avoir pas autant » (L18) ?
Pour mieux connaître Montaigne et son oeuvre, regardez les vidéos suivantes :
1) Une vidéo très courte (moins de 2 mn) :
https://www.youtube.com/watch?v=Gf6HF9coxVg
2) Vidéo d'un élève :
https://www.youtube.com/watch?v=gP7CgTI5aF4
3) Vidéos d' enseignants :
https://www.dailymotion.com/video/x178bhz
https://www.youtube.com/watch?v=hSArj0H4pKo
https://www.youtube.com/watch?v=OYHSDLdWjSI
Pour les ambitieux (vidéos plus longues et plus fournies) :
https://www.youtube.com/watch?v=W318YMfS7I8
https://www.youtube.com/watch?v=qfhkbVl8Dnk
Le contexte historique et culturel
MontaigneEssaisficheàcompléter.docx
MontaigneEssaisficheàcompléter.pdf
I. Les grandes découvertes
Lorsque Montaigne publie ses Essais, il participe avec les deux chapitres « Des Cannibales » et « Des Coches » à l’élaboration du mythe des grandes découvertes.
On pense encore la R_________________et la découverte du N_____________ M___________ comme le seuil de la modernité. Or, il faut nuancer : c’est bien sûr le point de vue des seuls Européens.
Par ailleurs les hommes du XVIe siècle étaient bien moins enthousiastes que nous le sommes aujourd’hui face à ce surgissement, et même plutôt sceptiques.
II. De la Réforme aux guerres de religion
L’histoire littéraire distingue généralement deux périodes au XVIe siècle : le XVIe siècle du début du siècle, et le milieu du siècle, la R_______________, entaché des huit g_______________ de r_______________ qui opposent c_______________ et p_______________________ en France.
L’ensemble du siècle se caractérise par une rénovation religieuse qui commence au tout début du XVIe par la redécouverte des Pères de l’Église inaugurée par les h_______________________.
On note aussi la diffusion de la B____________et des É________________. Cette volonté de rénover l’Église prend une forme radicale dans la Réforme p_______________, menée par Martin L______________ (1483-1546) dès 1517 (publication de ses 95 thèses à Wittenberg, en Allemagne) et Jean C_____________ (1509-1564) en France.
Cette rénovation religieuse connaît aussi des formes modérées, comme l’évangélisme qui s’épanouit à la même période autour du groupe de Meaux auquel prend part la soeur du roi François 1er, M____________ de N____________. R_____________ et le poète M______________défendent cette spiritualité présidée par la Charité, qui reconnaît l’autorité du Pape.
III. Le mouvement humaniste
On appelle humanisme le mouvement artistique et culturel central durant la R___________________. Avant de renvoyer à une notion d’humanité ou de philanthropie, le terme se réfère d’abord aux sciences de l’encyclopédie et en particulier aux savoirs que les anciens (G__________ et R_______________) nous ont transmis.
L’humanisme se définit par une ambition de refonte du s__________ et une méthode commune pour y arriver en passant par le renouvellement des lettres et du savoir.
Il se définit aussi par une rupture : rupture avec la V____________ (version latine de la Bible), rupture avec la tradition m___________, rupture avec l’université de la S___________ (les théologiens/ la scolastique, c’est-à-dire la philosophie enseignée dans les universités médiévales et qui vise à concilier les apports de la philosophie grecque et la théologie chrétienne), rupture avec « les ténèbres gothiques » selon la formule de Rabelais dans le _________________
La biographie de Montaigne
« Je suis moi-même la m___________ de mon l__________ » (Au L__________)
15____ : naissance de Michel Eyquem de Montaigne.
1546 : Montaigne entre à la faculté des Arts de B__________________
1549 : Montaigne commence ses études de d_____________, peut-être à Toulouse.
1551 : Montaigne à P__________ dans le milieu érudit humaniste. Il aurait suivi les cours de grec d’Adrien Turnèbe.
1558 : époque probable de la rencontre avec La B____________________.
1559 : mort d’H_______________. Montaigne suit la cour à Bar-le-Duc et y voit un portrait du roi René qui sera l’objet d’un long développement dans l’Essai II, 17.
1562 : séjour de Montaigne à Paris, reçu devant le p_____________ de Paris où il fait profession de foi c__________. Il suit la cour, assiste au siège de R________ et rentre à B____________ en novembre.
1563 : testament de La B___________, malade, qui lègue à Montaigne « son intime frère et inviolable ami » les livres qu’il conserve à Bordeaux. Mort de La B__________ en août d’une dysenterie.
1565 : intervention de Montaigne au parlement de Bordeaux pour préparer la venue du roi _____________ : il y déplore la vénalité des charges et le trop grand nombre d’officiers de justice. En septembre, il épouse Françoise de La C_____________. Édit du roi rendant aux jurats de Bordeaux leur autorité perdue depuis 1548.
1569 : publication de la traduction par Montaigne de la Théologie naturelle de Raymond Sebond, dédié à son père. Au cours de cette année, il fait une chute de cheval qu’il raconte dans l’Essai II, 6 : expérience fondatrice de sa relation à la mort et de son projet a__________________
1570 : naissance de sa fille Antoinette qui ne vivra que deux mois. Publication des OEuvres de La Boétie (parution en 1571)
1571 : retraite de Montaigne célébrée par une inscription apposée dans sa bibliothèque qu’il s’est fait aménager. Il dit « quitter l’esclavage des charges publiques » et « se retirer au sein des doctes vierges ». Début probable de la rédaction des Essais. Naissance de sa fille L_____, la seule survivante de ses six filles. En octobre, il reçoit sa nomination dans l’ordre de Saint-Michel (dignité considérable qui n’honore que des gentilshommes de cour et d’épée, et jamais des parlementaires).
1572 : rédaction du chapitre « que ph_____________, c’est apprendre à m___________ ».
1573 : une grande partie du livre I est composée entre 1572-1573.
1578 : Montaigne aurait servi d’intermédiaire dans une tentative de négociation entre le roi de Navarre et le duc de Guise. Atteint par la maladie de la __________ (coliques néphrétiques). C’est à cette époque qu’il compose une grande partie du livre ___.
1580 : publication des Essais (à Bordeaux, chez Simon Millanges), les deux premiers livres. Départ de Montaigne pour la cour et présentation d’un exemplaire de son livre au roi Henri III. Départ pour un voyage qui donne lieu à son Journal de Voyage : S____, A______, A_______ et I__________.
1581 : Montaigne reçoit par une bulle pontificale l’honneur d’être citoyen romain. En son absence, il est élu m______________ de ___________________ jusqu’en _______
1584 : activité politique intense. Montaigne reçoit le roi de N___________ dans son château.
1586-1587 : Montaigne rédige le livre ___________.
1588 : début des relations avec Marie Le Jars de Gournay qui deviendra sa « __________________ ».
1589 : assassinat ___________, Henri de Navarre reconnu comme son successeur. Le parlement de Bordeaux le reconnaît et Montaigne est appelé à son service.
1592 : 13 septembre, mort de Montaigne. Adoptant l’usage de la haute noblesse, sa famille fait déposer son coeur dans l’église Saint-Michel de Montaigne et son corps est inhumé à Bordeaux.
1595 à 1598 : publication d’éditions posthumes par Marie de Gournay des ____________
1676 : Mise à l’index des Essais, condamnés pour leur o_______________, sans considération théologiques ou philosophiques.
Ce qu’il faut retenir de Montaigne
• Montaigne né le 28 février 1533, aîné d’une famille de 8 enfants, situation privilégiée car héritier des biens et du titre de son père, issu d’une famille de riches marchands.
• Figure du père très admirée : voir Essai I, 26. Montaigne voue un véritable culte à son père.
• Formation intellectuelle : maîtrise du l__________ pension au collège humaniste de Guyenne (gros lecteur des a___________ a___________), joue au th___________ dans les tra_________ l_____________ de ses professeurs. Culture profondément humaniste à laquelle s’ajoute une connaissance du d___________
• Un fan d’histoire et de poésie : « l’histoire, c’est plus mon gibier ou la poésie que j’aime d’une particulière inclination » (I, 26).
• Mai 1562 marque le début des guerres de religion : allusions lointaines, mais Montaigne y est attentif. Même s’il refuse d’écrire l’histoire contemporaine, il n’est pas étranger à son déroulement.
• Son amitié avec La B_________ rencontré en 15__________ : Ét_________ de La B_________, plus âgé que lui de _________ ans, l’impressionne par sa personnalité « à l’antique », intelligence, rigueur morale et allure humaniste proche de celle de Montaigne. Il a déjà écrit plusieurs ouvrages, dont un recueil de vers et son célèbre De ____________________ Mort prématurée et courageuse qui impressionne Montaigne comme il en témoigne dans une lettre à son père.
• Son mariage avec Françoise de La C_______________ peu après la mort de La B___________, en 1565 : de cette union, seule L____________, née en 1571, survit.
• La mort de son _________ en juin 1568 : Montaigne entre alors en possession d’une fortune appréciable qui va lui permettre de s’affranchir de ses fonctions. Le 24 juillet 1570, il cède sa charge de conseiller et décide de vivre dans son château à Montaigne.
• Retraite de _____________ . La fermeté de cette décision et son optimisme (entre deux guerres de religion, il espère « repos et sécurité ») frappent : Montaigne se promet d’agrandir sa demeure et de se consacrer à l’étude.
• La librairie des sentences est décrite dans le livre III (III, 3) : elle renferme au moins ___________ livres, surtout en latin, français, italien, des traductions d’auteurs grecs, des historiens, moralistes et philosophes.
• 15___________ : début de l’écriture des Essais. Au début, il s’agit d’une série de compilations dont Montaigne tire une leçon à caractère élevé. Le livre II, composé entre 1576-1578, porte sur le thème de l’inconstance de l’homme (titre de II, 1) ; Montaigne y apporte l’expérience de la découverte faite en lui-même de l’inconstance. À partir de 1576, Montaigne ne craint plus de s’explorer, de s’engager, d’exposer ses propres opinions : d’où l’orientation plus personnelle que prend le livre II et qui justifie le Au Lecteur de 1580.
• Il fait par ailleurs deux expériences capitales : celle de la maladie de la _______________ Elle a des répercussions profondes sur sa conduite et son jugement.
• Adoption de sa devise « que __________ ? » et son emblème sur sa médaille avec la devise pyrrhonienne « je suspends mon jugement ». Cela lui permet de faire la critique du dogmatisme, d’approfondir son étude de l’homme et surtout de s’affranchir des doctrines étrangères.
• Première édition des Essais en 1580.
• La mairie de Montaigne pendant une période de troubles : montée de la violence à Bordeaux, création de la Ligue, huitième guerre de religion en 1588.
• Dernières activités politiques intenses autour d’H_____________ qui n’abjure qu’en 1593. Correspondance entre Montaigne et le ______ de ___________.
• La mort de Montaigne en ____________
LEXIQUE
A partir des indices suivants, complétez l’origine puis les définitions des mots suivants :
____________(latin) : autre
__________ (Άνθρωπος) : homme
__________ (βάρϐαρος ) : étranger
______ (Indien Taïnos) : nom sous lequel les insulaires anthropophages étaient désignés par les premiers Américains que rencontra Colomb.
___________ (ἔθνος) : peuple
________ (λόγος ) : disciplines du savoir
__________ (grec) : manger
___________ (latin) : forêt
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Autour de citations de Montaigne
I. Regardez et retenez :
https://www.youtube.com/watch?v=UsXMYFR9QKw
Citations utilesMontaigne.docx
II. Complétez ces citations extraites des deux chapitres que vous avez lus :
1) Nous embrassons tout, mais nous n’étreignons que ___________________
2) Chacun appelle ________________ ce qui n’est pas de son usage.
3) Ils sont __________, de même que nous appelons ___________________ les fruits que la nature […] a produits.
4) Ces peuples me semblent donc ainsi barbares, dans la mesure où ils ont été fort peu façonnés par l’esprit humain, et sont encore très proches de leur _________ originelle.
5) Nous pouvons donc bien les appeler barbares, si nous jugeons d’eux par rapport aux règles de la _________________, mais non par rapport à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie.
6) Il y a une distance étonnante entre leur façon d’____________ et la nôtre.
7) Nous aurons, je le crains, très fortement hâté son déclin et sa ruine par notre _______________ […]
8) […] nous nous sommes servis de leur ignorance et de leur inexpérience pour les tourner plus facilement vers la trahison, la débauche, la cupidité et vers toute sorte d’inhumanité et de cruauté, à l’exemple et sur le modèle de nos __________.
9) ______________ rasées, ______________ nations exterminées, _____________ millions de gens passés au fil de l’épée, et la plus riche et la plus belle partie du monde bouleversée pour le négoce des perles et du poivre : vulgaires victoires.
10) […] une _________________ indistincte, comme sur des bêtes sauvages, universelle, autant que le feu et le fer l’ont permis […]
III. Citations extraites d’autres livres :
1) « Si j’eusse été parmi ces nations qu’on dit vivre encore sous la douce liberté des lois de nature, je t’assure que je m’y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. » (Livre III, Au lecteur )
2) « Je suis moi-même la matière de mon livre » (Livre III, Au lecteur )
3) « Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en répondant : Parce que c'était lui ; parce que c'était moi. » (Livre I, chapitre 28, « De l’amitié »)
4) « C’est une humeur mélancolique – et une humeur par conséquent très opposée à ma disposition naturelle –, humeur produite par le chagrin de la solitude dans laquelle je m’étais jeté il y a quelques années, qui m’a mis d’abord en tête cette idée folle de me mêler d’écrire » (Livre II, 8, « De l’affection des pères pour leurs enfants »)
5 « Je ne peux pas fixer l’objet de mon étude. Il va trouble et chancelant, dans une ivresse naturelle. Je le prends dans cette situation, comme il est, dans l’instant où je m’occupe de lui. Je ne peins pas l’être, je peins le passage, non un passage d’un âge à un autre, ou, comme dit le peuple, de sept ans en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute » (Livre III, 2, « Sur le repentir » )
6) « J’ajoute, mais je ne corrige pas. […] Parce que, en ce qui me concerne, je crains de perdre au change : mon intelligence ne va pas toujours en progressant, elle va aussi à reculons. » ( Livre III, 9, « Sur la vanité » )
7) « Je m’égare, mais plutôt par licence que par mégarde. Mes idées se suivent, mais parfois c’est de loin, et se regardent, mais d’une vue oblique.[…] C’est l’inattentif lecteur qui perd mon sujet, ce n’est pas moi. » (Livre III, 9, « Sur la vanité » )
8) « Et puis me trouvant entièrement dépourvu et vide de toute autre matière, je me suis présenté moi-même à moi comme argument et pour sujet. C’est le seul livre au monde de son espèce et d’un dessein farouche et extravagant » (Livre II, 8, « De l’affection des pères pour leurs enfants »)
IV. Activités : du titre au genre
1) Comment définir le mot « essais » ? Montrez qu’au XVIème siècle, ce mot est polysémique.
2) A partir des citations, repérez les grands principes d’écriture des Essais de Montaigne.
Un site pour vos révisions :
https://cotentinghislaine.wixsite.com/aimerlalitterature/montaigne-coches-cannibales